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Le bloc notes de la rédaction

Histoire

La découverte au large du Maroc d’une épave de navire corsaire du 18ème siècle refait surface

11.08.2024 à 12 H 37 • Mis à jour le 11.08.2024 à 12 H 37 • Temps de lecture : 5 minutes
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Un secret bien gardé a finalement émergé des profondeurs de la mer Méditerranée, dévoilant un naufrage vieux de plusieurs siècles lié aux célèbres corsaires barbaresques. La découverte rendue récemment publique de ce navire appartenant à ces pirates nord-africains dans les eaux entre le Maroc et l’Espagne offre un aperçu captivant de cette page de l’histoire maritime

Un secret gardé pendant des siècles par les eaux méditerranéennes a été dévoilé avec la découverte d’une épave datant du 18ème siècle. La découverte remonte à près d’une décennie, mais a été à son tour gardé secrète jusqu’à ce qu’elle fut publiée, en ce mois d’août, dans le numéro estival du magazine spécialisé Wreckwatch.


Le navire, appartenant aux corsaires barbaresques nord-africains ayant capturé des milliers d'embarcations chrétiennes des siècles durant et mesurant environ 13,7 m de longueur, a été découvert en 2005 par la société basée en Floride, Odyssey Marine Exploration (OME), à une profondeur d'environ 823 m dans les eaux internationales entre le Maroc et l'Espagne.


La découverte de l'épave était un sous-produit fortuit de la recherche d'Odyssey pour le HMS Sussex, un navire amiral anglais perdu en 1694. Utilisant le véhicule sous-marin téléguidé avancé Zeus de leur navire de recherche de 250 pieds, l'Odyssey Explorer, l'équipe est tombée sur le navire corsaire. Au fil des ans, Odyssey Marine a découvert plus de 300 épaves, mais cette trouvaille se distingue par son lien direct avec Alger, marquant la première découverte de ce genre, souligne le magazine.


Une fenêtre « intacte » sur le passé

Resté quasiment intact sous l’eau pendant tous ces siècles, le vaisseau retrouvé offre des informations sur le mode de vie et d’opération de ce groupe ainsi que sur la culture de la région au 18ème siècle. La conservation de l'épave est « exceptionnelle », écrit le magazine détaillant que le tiers inférieur de la coque était resté intact, préservé des interventions des plongeurs ou des chalutiers, bien que les parties supérieures aient été endommagées par les tarets, un problème courant en Méditerranée.


L'armement lourd du navire, comprenant quatre gros canons et dix canons pivotants, en plus de nombreux mousquets, à leur tour bien préservés, est une caractéristique déterminante confirmant ses origines pirates. « Deux caractéristiques déterminantes des navires pirates sont les armes lourdes et le contenu culturel cosmopolite-assemblé à partir des nombreux prises capturées », explique Sean Kingsley, rédacteur en chef du magazine Wreckwatch. Le nombre d’armes découverts a poussé les chercheurs à estimer à 20 pirates l’équipage de ce bateau.


Les artefacts tels que la poterie et la verrerie trouvés sur le site ont fourni des indices sur l'origine et la date du navire. La poterie correspond de près aux céramiques du 18ème siècle découvertes sur la Place des Martyrs à Alger, et les bouteilles en verre datent de 1740 à 1760, suggérant que le navire a coulé vers 1760. « Les bols ottomans sur l'épave ont cessé d'être fabriqués en Turquie vers 1755. Les datations les plus précises viennent des bouteilles en verre soufflé, datant au plus tard de 1740 à 1760. Donc, le navire ne peut pas dater d'après 1760 », poursuit la même source.


Bien qu’il n’ait pas encore été possible de déterminer avec exactitude la date de construction du navire ni sa durée de service, d'autres découvertes à bord, comme une longue-vue européenne, des céramiques et des bols, suggèrent qu’il date au 18ème siècle.  Des pots et des casseroles en provenance de la ville d'Alger, autrefois un centre pour les corsaires barbaresques, ont également été retrouvés dans l'épave, suggérant que le navire aurait pu se déguiser en navire marchand. Le navire, estime-t-on, se dirigeait vers la côte espagnole pour la piller lorsqu'il a coulé.


La découverte du navire est « précieuse  » puisqu’elle met en lumière une partie de l’histoire de ce groupe de pirates lié à Alger, un site important de piraterie, mais aussi parce qu’elle trace un nouveau portrait de l’insécurité qui régnait dans les mers à l’époque. « L'épave trouvée dans les eaux profondes est un précieux écho de l'une des grandes horreurs maritimes de la Méditerranée occidentale  », a déclaré Greg Stemm, directeur de Seascape Artifact Exhibits et ancien président d'Odyssey.  « Moins célèbres que les pirates des Caraïbes, les corsaires d'Alger se sont tournés vers la piraterie beaucoup plus tôt et menaient un bien plus grand business  », souligne pour sa part Kingsley.


Des corsaires impitoyables

Le navire, dirigé par des corsaires barbaresques, des pirates musulmans et des corsaires privés opérant depuis les côtes de l'Afrique du Nord, représentait une menace importante pour les activités maritimes européennes à l'époque post-médiévale. Ces pirates naviguaient pour plusieurs pays le long de la côte nord de l'Afrique. Souvent appelés pirates, ils ont dominé la Méditerranée du 17ème jusqu'au début du 19ème  siècle, lorsque leur déclin a suivi la Deuxième Guerre barbaresque.


Les corsaires barbaresques étaient réputés pour leurs attaques impitoyables contre les navires européens et les établissements côtiers, capturant souvent des otages pour les rançonner à prix fort. « La menace des corsaires d'Alger était une terreur quotidienne pour l'Occident  », explique Stemm.


Selon les sources historiques, de 1525 à 1830, toute une ville de 60 000 « vauriens et renégats » vivait par l'épée.  Les corsaires barbaresques ont capturé des milliers de navires chrétiens et ont attaqué à plusieurs reprises la plupart des localités côtières des rives nord de la mer Méditerranée. Ils avaient même mené des attaques aussi loin que le sud de l'Angleterre, capturant des otages et demandant des rançons, ce qui faisait de la piraterie un danger quotidien pour les commerçants occidentaux.


En conséquence, les résidents ont abandonné leurs anciens villages côtiers en Espagne, France et en Italie et en ont construit d'autres, souvent fortifiés, au sommet des buttes et des collines. « Les raids ont été un tel problème que les côtes sont restées en partie désertes jusqu'au début du 20ème siècle », souligne-t-on.  Toujours en comparaison avec les pirates des Caraïbes, Kingsley ajoute : « Là où Barbe Noire et sa bande faisaient régner la terreur sur des navires isolés, les pirates barbaresques terrorisaient des nations entières ».


Pourtant, il semble même ces puissants pirates n'étaient pas de taille face à une tempête imprévue, considérée comme la raison la plus probable du naufrage du navire au fond de la mer. Les experts derrière la découverte pensent que le navire corsaire se rendait en Espagne, avec pour objectif de piller des navires et de capturer des otages pour rançon, lorsqu'il a été englouti par une tempête en pleine Méditerranée, indique Kingsley.

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Le Desk Culture