Le bloc notes de la rédaction

La découverte d’une sédentarité humaine à l’âge de bronze questionne l’histoire du Maghreb
Avant l’arrivée des Phéniciens, vers 800 av. J.-C., la région d’Afrique du Nord-Ouest était longtemps considérée terra nullis, « terre inhabitée » en latin. Cette notion vient d’être remise en question par les résultats de fouilles sur le site de Kach Kouch, publiée dans la revue scientifique Antiquity parue le 17 février.
Situé dans la province de Tétouan près de Oued Lalou, une centaine de kilomètres au sud du détroit de Gibraltar, le site avait été découvert en 1988 par un projet maroco-espagnol. Il avait ensuite fait l’objet de premières fouilles en 1992, révélant des habitations construites en torchis, et des fosses creusées dans la roche. Ces premières découvertes justifiaient l’établissement d’une population du VIIIe au VIe siècle av. J.-C.
Depuis 2021, des chercheurs issus de l’Institut national d’archéologie et du patrimoine du Maroc (Insap) mènent des fouilles à Kach Kouch, pour comprendre la nature de son occupation et de son architecture, et leur évolution au fil des années. Les recherches se sont effectuées sous la direction des professeurs Hamza Benattia et Youssef Bokbot.
Suite à l’étude des changements stratigraphiques et culturels observés, l’existence de trois phases d’occupation a été démontrée.
Trois phases définies de 2 200 à 700 av. J.-C.
La première phase a été située de 2 200 à 2 000 av. J.-C., lors de la transition de l’âge du cuivre à l’âge du bronze en Ibérie. « Seuls trois tessons de poterie non décorés, une seule pierre ébréchée et un os de Bos taurus - bœuf domestique - ont été récupérés », font savoir les scientifiques.
La deuxième phase commence après une discontinuité observée. Les découvertes qui ont pu mener à sa définition permettent d’établir la présence d'une vie sédentaire le long de la côte méditerranéenne du Maghreb, avant la présence phénicienne. Elle se situe ainsi de 1 300 à 900 av. J.-C, pendant l’âge de bronze final ibérique.
Vers 800 – 700 av. J.-C., la troisième phase constitue une période d’occupation finale du site, au début de l’âge du fer en Ibérie, quand les colonies phéniciennes se sont établies le long des côtes ibériques et au nord-ouest de l’Afrique. La chronologie de cette dernière phase est basée sur les importations de céramiques phéniciennes.
Des habitations et constructions caractéristiques
Située à l’âge du bronze final en Ibérie, la deuxième phase aurait été témoin d’habitations en torchis, « disposées autour d'un poteau central plus grand et dont la toiture était peut-être constituée d'une couverture végétale périssable », indique l’article scientifique. Des constructions identifiées jusqu’au premier millénaire av. J .-C., lors de la troisième phase.
Lors de la troisième phase, une autre technique est observée à Kach Kouch : un bâtiment carré ou rectangulaire, avec un socle en pierre. Une observation qui justifierait la présence croissante de Phéniciens sur le site, cette technique étant apparente dans les premiers sites phéniciens en Méditerranée occidentale.
L’agriculture et l’élevage en évolution au fil des dernières phases
Pendant ces deux dernières phases, l’agriculture était basée sur l’orge mondé, le blé nu, le haricot, et le pois dans une moindre mesure, et la troisième phase a vu arriver la culture du raison et de l'olivier. Quant à l’élevage, des os d’animaux ont été récupérés, et plus de 1 500 ont pu être identifiés, correspondant à une espèce et une période. Près de 243 de ces os dataient de la deuxième phase, tandis que 1 260 provenaient de la troisième phase.
Seul un os de bovidé date de la première phase. Les restes des deuxième et troisième phases prouvent l’arrivée des moutons et des chèvres. Des rongeurs et des autruches ont également été présents pendant ces deux phases, tandis que des restes d’âne, de chien et de tortue sont pour leur part limités à la troisième période. Ces résultat prouvent l'apparition de l'activité pastorale dans la région.
L’identification d’outils comme des perforateurs osseux suggère des activités artisanales, sûrement liées au travail du cuir et de la peau. La plupart des outils trouvés devait être utilisée pour le travail des plantes, car ils ont été retrouvés à côté de traces de grains de céréales et de lames de faucille, démontrant alors l’importante activité agricole qui devait avoir lieu à Kach Kouch.
L’étude des outils et des habitations font comprendre que les activités culturelles et économiques telles que l’agriculture, l’élevage et la construction, ont continué jusqu’à la troisième phase, soit l’arrivée des Phéniciens.
Les apparitions de nouvelles espèces de fruits, d’objets en fer ou encore des techniques de construction hybrides lors de la troisième phase prouve également un système d’échange des habitants de Kach Kouch dans la Méditerranée occidentale au début du premier millénaire av. J.-C.
Ces nouvelles découvertes au Maroc, comme celle récemment de l'utilisation médicinale de plantes dans la grotte de Taforalt, permettent d'élargir les perspectives de connaissances de l'évolution humaine sur le continent africain. Les scientifiques ont par ailleurs ajouté que le site de Kach Kouch pourrait ne pas être le seul témoin d'une telle civilisation.
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