
Affaire du Malien : Saïd Naciri, le logisticien du réseau (1/2)
Ce 25 septembre 2023, au siège de la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ), les limiers d’Abdellatif El Hammouchi organisent un épisode décisif dans l’enquête qu’ils mènent depuis des années, qu’eux seuls à ce moment saisissent la portée : la confrontation entre deux personnages centraux de l’affaire qui fera bientôt grand bruit, le trafiquant de drogue El Hadj Ahmed Ben Ibrahim, connu sous le sobriquet du « Malien », et Saïd Naciri, parlementaire et élu du Parti Authenticité et Modernité (PAM) et patron du club de football Wydad Athletic Club (WAC).
Ce face à face survient exactement trois mois, jour pour jour, avant l’arrestation de Naciri, mais aussi de tout un groupe de personnes, dont notamment Abdenbi Bioui, président de la région de l’Oriental, et encarté également au PAM. L’affaire, qui retentit depuis au-delà des frontières, secoue autant le milieu politique que celui des affaires au point que l’on parle déjà d’une opération mains propres, la première de cette ampleur sous le règne de Mohammed VI. Cette fois-ci, des têtes ne rouleront pas dans la sciure pour corruption ou malversations en lien avec des marchés publics, mais pour des faits autrement plus gravissimes relevant du grand banditisme et du trafic international de drogue.
Pendant plus d’une décennie, devant nos yeux, des personnalités connues et reconnues, élues et s’exprimant au nom des Marocains, ont été directement impliqués dans la mise en place d’un vaste réseau de trafic de stupéfiants.
Officiellement, d’après un communiqué de circonstance diffusé le 24 décembre par le Parquet, les chefs d’accusation retenus sont lourds : participation à un accord pour la détention de drogues, leur commercialisation, leur transport, leur exportation et leur tentative d'exportation, la corruption et falsification d'un document officiel, l'exercice direct d'une activité de contrôle attentatoire à la liberté personnelle et individuelle en vue de satisfaire des caprices personnels, l'obtention, sous la contrainte, de documents attestant d'actes et de décharges, la facilitation de la sortie et de l'entrée de Marocains vers et depuis le territoire marocain de manière régulière dans le cadre d'une bande organisée, ainsi que de la dissimulation concertée d'objets obtenus suite à un délit.
Pendant près de trois mois avant sa mise sous écrou, Saïd Naciri a régulièrement été convoqué au siège casablancais de la BNPJ, boulevard Roudani. Au cours d’une quinzaine d’auditions, il avait face à lui un haut-gradé de la BNPJ, à qui, affirment les initiés des arcanes policières, on ne confie que les affaires les plus sensibles. Réputé pour ses convocations à répétition et à intervalles serrés, visant à faire plier ses « clients », l’officier les « poussent à s’enliser, oublier de précieux détails, et commettre les erreurs qui les confondent ».
Face à lui, Saïd Naciri a eu à répondre aux déclarations et accusations du Malien. Ce dernier le dépeint comme le responsable de la logistique et des affaires publiques au sein de son réseau. Par affaires publiques, on entend tout ce qui a trait aux relations avec les autorités que Naciri connait bien, pour avoir roulé sa bosse pendant près de vingt ans au cœur du milieu politico-médiatique.
À la BNPJ, Naciri prend le temps de répondre, fournit quelques détails par moments, mais nie pour l’essentiel les faits qui lui sont reprochés et qui remontent jusqu’à 2013. Sauf que la pugnacité de Naciri aura des limites : les déclarations du Malien ont été convenablement recoupées par la BNPJ, vérifiées, « double checkées », comme on dit dans le jargon des enquêteurs.
Quand Naciri nie, l’enquêteur de la BNPJ lui présente un premier témoignage d’une tierce personne. A son second refus de reconnaître les faits, un deuxième témoignage lui est opposé crédibilisant davantage les déclarations du Malien. Et quand le parlementaire persiste dans le déni, ce sont des conclusions basées sur des éléments techniques (triangulations, traçages ou écoutes téléphoniques) qui lui sont opposées, comme dans un jeu d’échecs où les pions tombent un à un.
Malgré le caractère factuel des preuves, Saïd Naciri ne reconnaît rien. Poussé à bout, il finira cependant par promettre des documents supplémentaires qu’il promet de soumettre, pour sa décharge, une fois lors de son procès, histoire de botter en touche. Au fil des auditions, l’interrogé se contredira, s’emmêlera les pinceaux, fournira des éléments qui l’enfonceront, mais ne lâchera pas prise, niant encore et toujours.
Il ressort tout d’abord des éléments à notre disposition que pour inculper Saïd Naciri, les enquêteurs se sont basés à la fois sur les déclarations du Malien, comme sur le témoignage de plusieurs personnes ayant assisté à des moments-clés de l’affaire. En plus de parlementaires et de proches du Malien, si ce n’est des membres de son réseau, la BNPJ a eu recours aussi aux dires de « petites mains » qui ont pu fournir des éclairages précieux sur certains agissements de Naciri : il s’agit là de gardiens, de jardiniers, de femmes de ménages ou encore de chauffeurs qui précipiteront la chute de Naciri.
En plus de l’apport de ces protagonistes, ce sont aussi les erreurs commises par Saïd Naciri lui-même qui lui coûteront cher. Comme celle de cette année 2013, où on relève son imprudence lorsqu’il devait récupérer près de trois millions de dirhams en devises, après avoir participé à une opération de trafic de 13 tonnes de chira. Ou encore en 2015, lorsque sa négligence conduira à la saisie de 40 tonnes de la même substance, au niveau de l’autoroute Casablanca-El Jadida.
ACTE I
Saïd Naciri, le M. logistique-gaffeur
Naciri était-il à Rabat ou pas ?
Nous sommes le 17 décembre 2013, à Rabat. À la villa de la chanteuse populaire Latifa Raâfat, qui fut pendant un temps l’épouse du Malien.
Auditionnée par la BNPJ, elle fournit plusieurs détails sur un dîner tenu à son domicile. Les convives présents dès le début de soirée : Latifa Raâfat, son ex-époux le Malien, et deux frères A. et S. Laghzaoui, dont l’un est venu accompagné de sa femme. Les Laghazoui sont chargés au sein du réseau du Malien de sécuriser l’acheminement et le transport de la drogue. Tout ce beau monde attend un invité de marque qui se fera attendre : Saïd Naciri. Il ne débarquera qu’en fin de soirée, arrivant de Casablanca.
Objet de l’attablée de ce soir-là : la remise par le Malien de près de 11 millions de dirhams (MDH) aux deux frères et à Saïd Naciri, pour avoir réussi une opération de trafic de drogue, avec pour principal bénéficiaire, Abdenbi Bioui. Les 11 MDH, d’après les dires du Malien à la BNPJ, ont été remis, en devises, en grosses coupures d’euros : 800 000 € pour les frères et 350 000 € pour Naciri.
Toujours d’après les mêmes sources, d’autres personnes ont participé à cette opération : le parlementaire du PAM, Mir Belkacem et les frères Abdenbi et Abderrahim Bioui. Ce dernier est désormais le propriétaire officiel de Bioui Travaux (rebaptisée dernièrement SBTX), comme nous l’avions révélé précédemment. Il est actuellement en détention préventive dans le cadre de cette même affaire.
Pour sa défense, Naciri nie tout simplement avoir participé aux agapes organisées dans la villa. Et affirme n’avoir jamais rencontré les deux frères, membres du réseau du Malien. Les enquêteurs de la BNPJ lui soumettent un témoignage comme preuve : un membre du personnel de maison du Malien, affirmant avoir reconnu l’ensemble des conviés ce soir-là, pour avoir servi le dîner mais aussi pour être parti récupérer du sous-sol le sac-à-dos et les sacs en plastique contenant l’argent en liquide et en euros. Saïd Naciri ne reconnaît rien et dément ce qu’on lui soumet.
La BNPJ passera à la vitesse supérieure à l’appui de preuves techniques obtenues de la triangulation faite par les antennes-relais des télécoms, qui retracent le trajet de Saïd Naciri : il est sorti de son domicile, à Casablanca, en début de soirée, pour se rendre au quartier Souissi, où est située la villa, en passant par Témara. Durant ce parcours, pas moins de neuf appels ont été échangés entre son téléphone portable et celui du Malien, en raison probablement du retard du patron du WAC. A la villa de Raâfat, il passera près d’une heure et 17 minutes, à savoir entre 21h20 et 22h37. A 19h49, il avait été localisé à Casablanca, tandis qu’à 20h45, c’est au niveau de Témara qu’il avait été localisé, soit entre Rabat et Casablanca.

Naciri n’en démord pas : il n’était pas présent dans les murs de la villa, insiste-t-il à dire. « Je ne me rappelle pas, mais je devais certainement rendre visite à un ami qui est souvent à l’hôtel Sofitel de Souissi », finira-t-il par glisser. Les preuves, elles sont têtues : les éléments de géolocalisation fournis par la BNPJ démontrent que Saïd Naciri était aux côtés du Malien, pendant près d’une heure. « J’ai dû rendre visite à un de mes amis à Rabat ou à l’hôtel Sofitel », s’en défendra-t-il ensuite, sans arriver à convaincre ses interrogateurs qui ne le relanceront plus à ce sujet ce jour-là, saisissant manifestement que Naciri n’est plus en mesure de se disculper sur ce point.
En 2015, l'affaire de trop
Deux ans plus tard, c’est une autre opération que tente de concrétiser Saïd Naciri, toujours pour le compte du Malien, mais aussi d’Abdenbi Bioui, directement impliqué. En décembre 2015, l’annonce est faite par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) : pas moins de 40 tonnes de cannabis sont saisies et neuf personnes arrêtées au niveau de l’autoroute Casablanca-El Jadida. Dans l’opération, trois camions sont interceptés munies de plaques d’immatriculation falsifiées.
Aux manettes de cette opération, on retrouve dans un premier temps Abdenbi Bioui. Celui-ci mobilise dès 2014 des engins de son entreprise, Bioui Travaux, dont un de type Benne Carriere 8X4, pour transporter la drogue vers son fief d’Oujda, où tout est centralisé. Un transport, comme le relève la BNPJ, méticuleusement suivi par Saïd Naciri, veillant à ce que le convoi ne souffre d’aucune interception. Parmi les engins, sept camions de marque chinoise sont mobilisés. Ce sont ces mêmes véhicules utilitaires qui seront par la suite saisis en décembre 2015 par les éléments du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ).
Il s’agit de camions utilitaires de marque Gonow, apprend Le Desk, que le Malien avait décidé d’importer au Maroc à partir de 2012, à travers sa société El Fassi Brothers El Kabida. Le trafiquant affirme en avoir importé une vingtaine et ambitionnait de se faire livrer au Maroc pas moins de 25 000 véhicules de ce type. Comme il le confiera à ses proches, le trafiquant se rêvait en futur concurrent des concessionnaires de la marque Toyota.

Sauf que pour ses Gonow, le Malien n’obtiendra jamais la fameuse autorisation de circuler, et encore moins ne disposera de cartes grises, malgré les promesses faites par Saïd Naciri.
Désespéré, le trafiquant finira par distribuer les quelques camions utilitaires qu’il avait réussi à importer à ses proches, dont Abdenbi Bioui ou encore Saïd Naciri. Le parlementaire décidera de les parquer, à partir de 2014, sur un parking du complexe sportif Mohamed Benjelloun, abritant le centre d’entraînement de l’équipe de football du WAC.
Tout au long de l’enquête, Saïd Naciri niera avoir ordonné le stationnement de ces camions dans l’enceinte d’une infrastructure sportive d’un club qu’il dirige. Il rejettera la faute sur un ancien responsable du WAC, aujourd’hui disparu : Abderrahim Benkirane.

La BNPJ pousse l’enquête pour rassembler les preuves liant les Gonow à Saïd Naciri : les témoignages pleuvent, du jardinier, jusqu’au gardien de sécurité, en passant par le coursier et la secrétaire employée au complexe depuis 1994. Tous confirment que c’est leur patron, Saïd Naiciri, qui a donné l’ordre de parquer les camions Gonow au centre d’entraînement du club. On en est même, à un moment, jusqu’à ressortir une ancienne photographie d’une séance d’entraînement des wydadis. Derrière eux, les enquêteurs relèvent la présence de véhicules Gonow de couleur blanche.
Réponse du patron de club de foot : toutes ces personnes mentent ou ne travaillent plus au club, depuis quelques années déjà. Vert de rage, le 2 octobre 2023, soit 24 heures après son interrogatoire à la BNPJ, Saïd Naciri déboulera au complexe sportif et licenciera deux des personnes ayant témoigné contre lui. Il va plus loin, en demandant à certains de préparer un document où ils nient ce qu’ils ont pu déclarer à la police. Il leur demande aussi de rédiger une plainte contre les enquêteurs de la BNPJ, les accusant d’avoir falsifié les témoignages. A l’un d’eux, le virant sur le champ, Saïd Naciri lancera un « Maintenant, tu ne travailles plus avec moi, allez, va te faire foutre ! » (دابا مبقيتش خدام معايا، يا لاه قود !").
Les six camions garés au complexe sportif en 2014 sont d’une importance capitale dans l’enquête. C’est que certains des véhicules en question serviront ensuite à l’opération de trafic de l’année suivante, fin 2015, où il sera question de transporter de la drogue depuis Oujda pour la distribuer ensuite. A cette fin, 3 Gonow sont mobilisés, en plus d’un 4x4 qui les précède en éclaireur.
Si ces camions serviront à la distribution de chira, ils contribueront aussi à l’échec de l’opération, apprend-on. C’est d’ailleurs le Malien lui-même qui le concède durant son interrogatoire, se disant surpris de l’utilisation de ces camions qui ne sont pas autorisés à circuler au Maroc. Il précise que s’il a décidé de les mettre à la disposition de ses amis, c’est pour leur utilisation professionnelle dans des chantiers, comme cela pourrait être le cas pour Bioui Travaux. Il fera part de ce souci à Saïd Naciri, depuis la Mauritanie où il était détenu, lors d’un entretien téléphonique via Whatsapp.
Aucune circulation, encore moins pour de longues distances, ne devait être envisagée. Dans la conversation, Saïd Naciri se prévaut alors les liens qu’il entretient avec les autorités, et affirme pouvoir intervenir au besoin lors d’un contrôle éventuel inopiné.
Sauf que durant ce jour de décembre 2015, les choses ne se dérouleront pas comme prévu : aux abords d’El Jadida, c’est une nouvelle escouade de gendarmes qui a pris ses fonctions. Elle arrêtera ces véhicules non homologués pour un contrôle de routine qui résultera sur une fouille : avec le gros lot saisi de 40 tonnes de chira. L’affaire du Malien était ainsi lancée…
ACTE II
Les bonnes affaires font les bons amis... ou presque
La nationalité pour mon ami !
Hier amis, se partageant femmes comme lieux de vie, Saïd Naciri et le Malien sont aujourd’hui ennemis jurés. Lésé, isolé et abandonné, le second contribuera à la chute du premier. Il fournira à la BNPJ tout ce qui pourrait lui porter un coup fatal.
La rencontre entre les deux hommes serait, selon nos sources, due à l’entremise d’Abdenbi Bioui. A l’époque, Bioui présente le Malien, selon les dires de Naciri, comme un « diplomate, conseiller spécial du président malien ».
Devant la police, Saïd Naciri explique pourtant qu’il ne connait que peu l’homme d’affaires, d’origine malienne. « Il dînait régulièrement avec moi à Casablanca », c’est ce qu’il dira aux enquêteurs. Pourtant, au fil des interrogatoires et du temps, c’est une toute autre histoire qui se raconte, mêlant drogue, sexe et argent sale. Une contradiction qui affaiblit rapidement les dires de Naciri.
Dans ce qui demeure toujours trouble, même pour les enquêteurs, Naciri et le Malien entretiendront pendant plusieurs années une relation où ils se partageront tout. A commencer par plusieurs soirées, finissant vers les environs du complexe hôtelier de Mazagan, où un musicien convié à les animer, dira d’une des veillées nocturnes, ayant vu la présence de « filles du genre à être payées pour le sexe ». Ce que Naciri dément, affirmant ne connaître la zone que par son hôtel, où il se rend pour jouer au Casino. En identifiant la source de l’information, il n’hésitera pas à dénoncer le musicien, l’accusant de rabattre des filles pour le Malien. Visiblement désespéré par les accusations qui fusent, et se sentant cerné par les détails de l’enquête, Naciri accusera pêle-mêle tel d’avoir fourni des filles à telle personne. La BNPJ continuera alors à concentrer ses investigations sur des faits de trafic de drogue et de son financement.
De Mazagan, ces parties fines s’étendront à Saïdia, ou encore à Casablanca, dans un domicile devenu depuis célèbre, et que d’aucuns comparent déjà au célèbre lupanar de Hajj Tabit : la villa du quartier Californie, à Casablanca. Et au centre du conflit entre les deux amis, comme on le verra par la suite.
Lors de ces fameuses soirées, on voit à peu près tout le gotha gravitant autour de Saïd Naciri : Mir Belkacem, parlementaire du PAM, ou encore Abdelouahed Chaouki, régulièrement cité dans l’enquête et patron de la société Bibancom, spécialisée dans la menuiserie industrielle. Cela sans oublier tous les affidés du Malien, de Taoufiq Zentar, co-gérant de la société du trafiquant de drogue, jusqu’à deux frères libanais, et les deux autres précédemment cités, cette fois-ci des Marocains chargés de la sécurité du transport des marchandises.

La relation sera telle entre Naciri et le Malien, que le premier se portera volontaire pour aider son ami à décrocher la nationalité marocaine. Cela passera par l’édiction d’un acte naissance, confirmant que la mère du Malien est d’origine marocaine. Pour cette mission, les deux amis se rendront à Zagora en 2013, à la Zaouia Naciria, et où ils rencontreront son doyen, Redouane Naciri. A celui-ci, lors d’un déjeuner à son domicile, l’enfant du sud, parlementaire de la circonscription de Zagora à l’époque, demandera la rédaction d’un document attestant des origines marocaines de la mère du Malien affublée ainsi d’un titre de descendance de la confrérie religieuse.
Redouane Naciri, interrogé par la BNPJ, confirmera la demande, tandis que le patron du Wydad précise que ce document n’allait jamais servir au Malien pour l’obtention de sa nationalité. Il s’agissait uniquement d’authentifier une appartenance à la Zaouia Naciria de Tombouctou, et non à celle de Zagora…
La relation est telle également, que selon les investigations menées par la BNPJ, c’est Saïd Naciri, aidé par Abdenbi Bioui, qui fournissait au Malien des macarons du Parlement au trafiquant de drogue. Celui-ci les utilisait ensuite pour ses voitures, lui évitant ainsi soigneusement tout contrôle inopiné des agents de la circulation… Dans d’autres situations, ce sont des voitures vendues au Malien par Abdenbi Bioui et Saïd Naciri qui aboraient les fameux coupe-fils, précieux sésames pour franchir tout barrage.
Un ami à arnaquer
Avec son ami malien, la relation d’amitié de Saïdi Naciri prendra une autre tournure, lorsque le patron du Wydad tentera à plusieurs reprises de l’arnaquer. L’affaire la plus emblématique est celle entourant une voiture de grand luxe de type Mercedes Classe S 360, achetée à 1,75 MDH par Saïd Naciri.
Utilisée pendant trois mois, d’après les dires du parlementaire, il finira par la céder au Malien, en lui demandant de payer la contrepartie. Le trafiquant de drogue, ne disposant pas du liquide nécessaire, n’arrivera pas à le faire. Saïd Naciri prendra possession de cinq ses appartements à Saïdia. « Seulement deux », avance pour sa part le patron du Wydad, précisant qu’ils correspondent à la contrepartie financière qu’il n’a jamais pu verser. « Cinq », rétorquent les enquêteurs, droit dans leurs bottes...
Mais le pire dans la situation est que Saïd Naciri n’a jamais eu à payer l’intégralité du prix de la Mercedes. Par une entourloupe financière, dont il est habitué, l’homme d’affaires avait pu négocier le paiement de la voiture, avant ensuite de la restituer, selon ses dires, au concessionnaire.
Il jouera avec les dates pour faire croire à ses interrogateurs qu’il a bien utilisé la voiture, alors qu’elle venait à peine d’être importée d’Allemagne et qu’elle n’avait pas encore été dédouanée.
A l’heure où nous mettons sous presse, les enquêteurs attendent toujours les papiers soutenant les propos de Saïd Naciri. Celui-ci en apportera à au moins trois reprises. Sauf que les documents présentés concernaient d’autres Mercedes achetées à la même époque : pas moins de trois véhicules en somme, correspondant pour chacun approximativement au même montant versé. Il finira par expliquer à la BNPJ n’avoir pas pu trouver les papiers demandés, et ne plus se souvenir du mode de paiement adopté…
Outre ses appartements à Saïdia, ce sont aussi deux maisons du Malien qui sont dans le viseur de Saïd Naciri. L’une à Mohammedia et l’autre à Casablanca.
Pour la première adresse, Said Naciri aurait vendu la maison à hauteur de 2,5 MDH au Malien, sans qu’il lui transfère de manière effective la propriété. Pour le détenu, Naciri aurait également gardé les clés de la maison, sans pour autant les remettre à une proche du Malien.
Des faits démentis par l’intéressé et auquel la BNPJ a répondu en présentant comme preuve un enregistrement téléphonique entre Saïd Naciri et le Malien, survenu en mars 2021, alors qu’il était en détention à la prison d’El Jadida.
Dans cet audio, Saïd Naciri reconnaît avoir pu récupérer les clés, après avoir promis de lui verser une somme de 100 000 dirhams (DH) et une autre, chaque mois, de 10 000 DH. Durant cette année, Saïd Naciri affirme au Malien qu’il n’aura plus besoin de cet appartement vu qu’il sera transféré en juin 2021vers le Mali. Cette opération d’extradition pourra se faire, promet-il, grâce au ministre de la justice, Abdelatif Ouahbi, secrétaire général du PAM.

Outre Naciri, on apprend qu’un autre membre du PAM était détenteur des fameuses clés de la maison de Mohammedia : Abdelouahed Chaouki, parlementaire du PAM et patron de Bibancom. A ce sujet, Saïd Naciri affirme qu’il lui arrivait de passer des soirées avec Chaouki, en compagnie de femmes, pour des « moments de plaisir ».
Outre Mohammedia, à Casablanca, c’est aussi une autre maison qui sera au centre du conflit entre Naciri et le Malien : la villa du quartier Californie qui, cette fois-ci, voit l’implication d’un autre nom : Abdenbi Bioui.
Nous y consacrerons notre second volet de ce récit, en plus de revenir sur le rôle d’Abdenbi Bioui et des faits qui lui sont reprochés.
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