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Grand angle

En VRP du Maroc, Sarkozy évacue ses couacs passés avec Rabat

28.08.2023 à 04 H 45 • Mis à jour le 14.12.2023 à 10 H 09 • Temps de lecture : 22 minutes
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MEMOIRES.
Depuis des années, l’ex-président français chante les louanges du Maroc. Dans son dernier ouvrage, Nicolas Sarkozy conte son idylle passée avec le Royaume et adresse une sévère mise en garde à Emmanuel Macron pour son tropisme algérien. Cependant, s’il défend aujourd’hui la marocanité du Sahara, sous son mandat à l’Elysée, la France a pourtant joué la carte de l’ambivalence

Il est bien loin le temps où Nicolas Sarkozy cultivait lui aussi, comme le fait aujourd’hui Emmanuel Macron, un certain tropisme pour l’Algérie. A la différence qu’il en est revenu assez rapidement quelques temps après avoir quitté Place Beauvau pour poser ses valises à l’Elysée.


Dans son dernier livre intitulé Le Temps des combats (Fayard) - en librairie depuis le 22 août -, l’ancien Président de la République française, aujourd’hui renvoyé devant la justice de son pays au terme de dix ans d’enquête sur les soupçons de financement libyen, n’a pas caché l’admiration qu’il porte pour le Maroc et pour son Roi. Un éloge appuyé qu’il a d’ailleurs servi dans l’interview exclusive accordée au Figaro Magazine en guise de promotion de son ouvrage.


Ce n’est certes pas la première fois que Sarkozy se prête à cet exercice, lui qui, comme d’autres anciens chefs d’Etats ou de gouvernement, s’est reconverti en conférencier de luxe autant au bénéfice de régimes politiques que de grandes entreprises en contrepartie de cachets mirobolants pour chacune de ses prestations.


Nicolas Sarkozy, ancien président français lors du forum Crans Montana de Dakhla de 2018. Crédit: Mohamed Drissi Kamili/ Le Desk


On l’a entendu notamment chantant les louanges de la « stabilité » du Royaume lors de l’édition 2018 du Forum Crans Montana de Dakhla, l’occasion aussi pour la guest star de décocher quelques piques bien senties en direction d’Alger.


Le récit d’une parfaite idylle

Mais avec ce dernier opus, l’ex-Président va encore plus loin : il revisite son passé de président en plaçant subtilement le Maroc au cœur de son action politique en écho avec le présent des relations franco-marocaines particulièrement détériorées sous le mandat de Macron. Objectif assumé : affirmer par le récit mémoriel qu’il existait de son temps une parfaite idylle entre Paris et Rabat que ses successeurs ont passablement endommagée.


« J’ai toujours aimé le Maroc. Des trois nations d’Afrique du Nord, elle est celle qui nous est la plus proche. La seule aussi qui a su digérer pacifiquement notre passé commun sans en éprouver la moindre amertume ou le plus petit ressentiment. La différence avec l’Algérie est saisissante. Il n’y eut pas de guerre entre nos deux pays. Cela compte dans notre histoire commune », écrit-il d’emblée en souvenir de sa première escapade privée à Marrakech à l’invitation de Mohammed VI. Sous une plume emprunte d’orientalisme pour décrire le charme de la ville ocre et les qualités de ses habitants, il n’hésite pas à affirmer qu’il s’y sent « proche » et « familier » pour tordre le cou à la condescendance souvent entendue de la bouche des politiques français : « Le Maroc est un pays frère. C’est un égal de la France qui doit désormais être considéré comme tel. Le royaume est devenu une grande puissance africaine. Ses entrepreneurs, ses intellectuels, ses artistes, ses élites n’ont plus rien à envier aux nôtres ».


23 octobre 2007, Nicolas Sarkozy en présence de Mohammed VI, de son frère Moulay Rachid, de Rachida Dati et des princesses de la Cour dont Lalla Salma, épouse du roi. Crédit: Getty Images


Et bien entendu, son encensement va en priorité au monarque : « Le roi Mohammed VI restera dans l’histoire comme l’un des plus grands souverains marocains. Son héritage sera même plus fécond que celui de son père. Je me souviens du scepticisme et même de la commisération qui suivit son avènement au plus haut niveau de notre classe dirigeante du milieu des années 1980. Ces propos d’alors paraissent bien dérisoires quand on mesure le chemin qu’il a fait parcourir à son pays ».


« Le Maroc a réussi son entrée dans le monde moderne sans brader son style de vie, ses traditions, son univers si particulier. Ce n’est pas aux Marocains que l’on a besoin d’expliquer l’importance de la sauvegarde d’une identité nationale. N’est sans doute pas né celui qui voudra la leur faire perdre ! », renchérit Sarkozy.


La mise en garde à Macron

Vient ensuite dans ce storytelling, déroulé comme du papier à musique, la partition de la mise en garde, celle du bon conseil à l’adresse de la Macronie : « La France doit chérir cette relation privilégiée. Elle doit la préserver, car elle ne va pas de soi. Les Marocains sont sensibles parfois jusqu’à la susceptibilité. Il faut y prendre garde, car la moindre maladresse, fût-elle non intentionnelle, peut avoir des conséquences fâcheuses. Ainsi, le roi est le roi. Il est de surcroît le descendant direct du Prophète. Le président de la République française doit avoir la sagesse de comprendre cette particularité et en tirer toutes les conséquences en matière protocolaire ». Ici, le message est raccord avec la révélation en plateau télévisé faite en juillet dernier par le passeur des deux rives, l’écrivain Tahar Benjelloun.  Commentant sur le plateau de la chaîne israélienne i24 les relations maroco-françaises, l’écrivain a indiqué qu’Emmanuel Macron a été très maladroit à l'égard du Roi et que le président français lui a manqué de respect.


« Le roi Mohammed VI est un homme de large culture et d’une finesse intellectuelle éblouissante. Combien de fois ai-je été impressionné par sa capacité à anticiper les évènements et à garder le cap de sa vision pour le royaume ? Il sait être un ami à la fidélité de roc. Il montre rarement son agacement ou sa déception, mais il les ressent profondément. Ce n’est pas parce qu’il ne réagit pas à l’offense qu’il ne l’a pas comprise. La relation exige de la constance, du tact, de la fidélité. Elle demande aussi une certaine réserve. Le temps médiatique n’est pas le sien (…) », développe ainsi Sarkozy dans son livre.


Et d’enchaîner sur la comparaison avec le voisin algérien : « Le président Macron n’a pas toujours su trouver les mots ou les gestes que les Marocains attendaient. Son tropisme algérien lui procurera bien des déceptions. C’est sans doute un point de désaccord qui existe entre nous. Je ne crois pas qu’il nous faille multiplier les initiatives auprès des dirigeants algériens dont la représentativité à l’intérieur de leur pays est aussi faible que la popularité. Plus nous essaierons de bâtir une amitié ‘artificielle’, plus ils la refuseront. Ils ont besoin d’un adversaire pour détourner l’attention de leur peuple de l’échec patent dans lequel ils ont plongé ce pays magnifique, qui compte parmi les plus riches au monde du fait d’un sous-sol regorgeant de matières premières, spécialement dans le contexte énergétique que nous connaissons. »


Les présidents algérien Abdelmadjid Tebboune (g) et français Emmanuel Macron à l'issue d'une conférence de presse commune à Alger, le 25 août 2022. Crédit: AFP

 

Pour l’ancien locataire de l’Elysée, les initiatives de Macron sont « vouées (…) à l’échec ». Et d’ajouter qu’elles « risquent de nous détourner du Maroc ». « À ce jeu-là, nous risquons de tout perdre. Nous ne gagnerons pas la confiance de l’Algérie et perdrons celle du Maroc. C’est un pari dangereux, de surcroît condamné d’avance », tranche-t-il. Sur l’échiquier politique français et notamment au sein de la Droite, cette crainte est souvent entendue. Au sein des Républicains, l’écurie qu’il dirigeait, la députée Michelle Tabarot a répété les mêmes mots ce 27 août à l’occasion de la rentrée politique du parti Les Républicains, tout comme son président, Eric Ciotti qui a appelé également Macron à sortir de « la relation de soumission envers l’Algérie ». Ce dernier avait, récemment, en compagnie de Rachida Dati fait le voyage à Rabat pour déclarer que Paris devait impérativement reconnaitre la souveraineté du Royaume sur le territoire du Sahara Occidental et qu’en cas de victoire de son parti aux prochaines présidentielles, il ferait en sorte que cela se fasse.


C’est aussi sur la lutte contre l’extrémisme, thème très cher de la droite française, que Nicolas Sarkozy a loué la trajectoire marocaine, arguant que le Roi Mohammed VI a devancé les tumultes des révolutions arabes par « sa volonté de démocratiser et de moderniser le Maroc ». « Il avait déjà présente à l’esprit la réforme de la Constitution qui permit que, de tous les pays arabes, le Maroc fut l’un des seuls à ne pas connaître de « printemps », a écrit Sarkozy, prétendant ainsi que le Souverain n’a pas été contraint de réformer son régime.


« Sa vision de la question des Frères musulmans (le Parti de la Justice et du Développement, ndlr) était audacieuse et prémonitoire », narre-t-il, témoignant sur ce que lui a déclaré le Roi : « S’ils gagnent les élections législatives, je nommerai l’un des leurs Premier ministre. Il vaut mieux qu’ils soient confrontés aux réalités du pouvoir plutôt que d’en faire des martyrs en les mettant en prison ».


« J’étais incrédule. C’est pourtant ce qu’il fit, et quelques années plus tard les Frères musulmans rassemblèrent moins de 10 % des suffrages des Marocains ! Le pari royal était gagné. Il fut le seul à agir ainsi. Les faits lui ont donné raison », en a conclu l’ex-président français.


Dans un autre chapitre de son ouvrage, Nicolas Sarkozy revient sur cet épisode se déclarant « surpris par la profondeur de la vision et la magistrale réactivité du Roi », le trouvant « imaginatif », et « capable de décider si vite et surtout si fort » face aux agitations de la rue, alors qu’il « ne disposait d’aucune manne pétrolière ou gazière pour tenter d’apaiser la foule en colère ». « Il décida d’anticiper et d’innover. Il aurait pu se raidir. Il fit l’opposé. Il gardait ainsi l’avantage de l’initiative. Il n’était pas tenu d’agir sous la pression. Il pouvait maîtriser son calendrier ».


A l’évocation du discours royal historique du 9 mars 2011, Sarkozy écrit : « Prenant toutes ses oppositions de court, le roi annonça une réforme majeure de la Constitution du royaume. Au terme de celle-ci, ses pouvoirs politiques et religieux seraient réduits. Cela constituait en soi une avancée très substantielle, mais il allait plus loin en décidant de soumettre son projet au référendum, et ce dès le mois de juillet suivant. La surprise était totale, l’innovation, profonde, et le calendrier, volontairement très rapide. En cas d’adoption de la nouvelle Constitution, ce serait donc le futur chef de gouvernement qui dirigerait l’exécutif. Mais le plus novateur était que, dans ce cas, ce dernier serait désigné au sein du parti arrivé en tête des élections de la Chambre des représentants du Parlement marocain. Cela signifiait concrètement que le Maroc aurait désormais un gouvernement issu du suffrage universel direct. Jusqu’ici le roi du Maroc pouvait librement choisir le Premier ministre. Il renonçait à ce pouvoir. Ces changements faisaient entrer le royaume dans une ère absolument nouvelle. Ce fut un évènement considérable ».


« J’interrogeai Mohammed VI pour savoir s’il avait l’intention d’agir ainsi même si la victoire électorale devait revenir aux Frères musulmans qui, je le savais, représentaient ses adversaires historiques. Sa réponse fut sans aucune ambiguïté : « Oui. » Et c’est très exactement ce qu’il fera le moment venu. À tout ceci, le roi ajoutait l’indépendance de la justice et l’abandon de son propre pouvoir de nomination des hauts fonctionnaires civils de l’État, qui revenait lui aussi au chef du gouvernement », raconte Sarkozy qui ajoute : « Le caractère ‘sacré’ de la personne du roi était supprimé pour être remplacé par une formule infiniment moins pompeuse : ‘L’intégrité de la personne du roi ne peut être violée’. L’islam restait la religion de l’État marocain et le roi, le chef des armées. Je saluai par un communiqué officiel ce que je décrivais comme une ‘démarche exemplaire’. Grâce à ce mouvement sans précédent, Mohammed VI garda la confiance et l’affection de son peuple. La royauté résista à la tourmente des révolutions arabes. Le calme revint dans les rues ».


Nicolas Sarkozy et Mohammed VI. Après des relations orageuses, les deux hommes se sont liés d'une amitié solide. AFP


« Et lorsque les Frères musulmans gagnèrent les élections législatives quelques mois plus tard, le roi, comme il s’y était engagé, nomma leur leader chef du gouvernement. Les Marocains firent l’expérience des islamistes au pouvoir. Cela dura moins d’une décennie, au terme de laquelle ils furent réduits à un score de 4 %. En les appelant aux responsabilités, le roi n’en avait pas fait des victimes », a répété Sarkozy pour commenter la déconfiture du parti de Abdelilah Benkirane, laminé lors de dernières législatives.


« Comme il me l’avait confié : ‘Une fois confrontés au chômage, à la hausse du prix des matières premières, à la difficulté de se loger... ils auront du mal à garder le soutien de leurs bases populaires’. Il avait vu juste. Grâce à ce souverain éclairé, le Maroc apparaît aujourd’hui comme un îlot de stabilité démocratique au sein d’un monde musulman traversé de multiples crises et divisions. La personnalité de Mohammed VI est unique dans le monde des têtes couronnées et des chefs d’État. Il est un homme que je n’ai cessé d’admirer et de respecter », témoigne ainsi l’ex-président français, non sans lyrisme.


De même que Sarkozy a témoigné sur l’exceptionnelle coopération du Maroc et de son Roi en matière de lutte contre le terrorisme islamiste, relatant la parfaite coordination des services de renseignement des deux pays suite à l’attentat meurtrier du Café Argana à Marrakech en 2011 : « Comme à l’accoutumée, le roi Mohammed VI réagit promptement et avec une grande efficacité. Il insista sur la nécessité d’une enquête rapide et parfaitement transparente. C’était un élément qui nous rassurait. Nous aurions accès à toute l’information dont nos services avaient besoin et que les familles ne manqueraient pas d’exiger à juste titre. Je m’entretins avec le roi le jour même. Nous convînmes des suites à donner à l’enquête, des cérémonies d’accueil des victimes et de leurs familles, et de ce que nous pouvions dire aux médias du monde entier. Bruno Joubert, notre ambassadeur au Maroc qui avait été auparavant mon conseiller pour l’Afrique à l’Élysée, assura cette parfaite coordination avec un grand professionnalisme. Les services marocains et français travaillèrent main dans la main. Nos montres marquaient la même heure. La confiance entre nos deux pays était totale ».

 

Dix années de perdues

De là, Sarkozy exprime tout son regret d’avoir constaté que François Hollande et Emmanuel Macron qui lui ont succédé à la tête de la France, ont, selon lui, dégradé cette relation d’exception, installant tour à tour un climat de tensions et un tropisme forcé à l’endroit des régimes algériens successifs, mais finalement similaires à ses yeux :  « Le souvenir de cette période me rend d’autant plus nostalgique quand je constate la lente dégradation des relations franco- marocaines depuis une dizaine d’années. Cette situation est d’abord la conséquence de l’entêtement de mes deux successeurs à vouloir à tout prix surjouer et surinvestir la relation avec l’Algérie. Il s’agit d’une erreur stratégique, car le pouvoir algérien, dont la légitimité démocratique est faible, a besoin d’un adversaire pour exister, et celui-ci ne peut être que la France, dont le passé colonial fait une cible facile. Comme si cette dernière pouvait être responsable des échecs de l’Algérie tout au long de ces six dernières décennies ! Tant que ce pays ne sera pas doté d’un gouvernement réellement représentatif de la population et pas seulement des factions qui dominent l’armée, la relation franco-algérienne demeurera une impasse. Nous n’avons pas les moyens de prétendre être proches de tous les pays du monde. Une diplomatie efficiente impose de faire des choix. De mon point de vue, ils sont évidents. Puis, quand l’Algérie sera prête à renouer des liens avec la France sur une base claire, décomplexée et confiante, il sera possible de construire un avenir sur les ruines de cette trop longue période postcoloniale ».


Emmanuel Macron et Mohammed VI Crédit: AFP


L’occasion pour lui de marteler ce message à la classe politique française et forcément Emmanuel Macron qu’il considère comme oublieux de la singularité du régime marocain dans ses rapports avec l’Islam politique : « On ne mesure pas assez en France la chance qu’a le Maroc d’avoir un roi comme Mohammed VI. Il est un rempart contre le fanatisme et les extrémistes. Il est l’un des rares dirigeants musulmans sincèrement engagé dans le combat pour le développement d’une réelle vie démocratique dans son pays. Notre devoir comme notre intérêt bien compris seraient de l’aider davantage car, et c’est une difficulté supplémentaire, il ne dispose pas des richesses en matières premières de son voisin algérien ».


De ces arguments comparatifs avec une Algérie gorgée d’hydrocarbures, mais louvoyante dans ses relations avec son ancienne Métropole, Sarkozy en tire une leçon : « La France devrait maintenant prendre clairement position en faveur de la marocanité du Sahara occidental. Cette question est centrale pour les intérêts stratégiques du Maroc. Elle permettrait d’éviter une république sahraouie dont la solidité et la pérennité laissent tous les observateurs informés plus que perplexes. Savoir choisir ses amis, ne pas craindre d’encourir le courroux de ceux qui le sont moins, s’inscrire dans une perspective longue, s’appuyer sur l’histoire commune : telles devraient être les boussoles du président de la République. S’il est un domaine de la diplomatie française qui mériterait d’être revisité et amodié, c’est celui de notre engagement auprès de nos frères marocains ! »

 

Une mémoire sélective

 Si Nicolas Sarkozy n’aborde pas les questions qui fâchent et sans préjuger de sa sincérité sur ce qu’il retient de positif à l’égard du Maroc lors son mandat présidentiel, sa mémoire demeure bien sélective. Lorsqu’il arrive au pouvoir en 2007, Sarkozy avait été d’abord séduit par Abdelaziz Bouteflika avec qui il avait eu à coopérer Place Beauvau, et c’est à lui qu’il a rendu visite à Alger en premier après son élection, voulant certainement, comme l’a tenté Macron bien plus tard se démarquer de Jacques Chirac qui entretenait des relations quasi-familiales avec la monarchie, jusqu’à en être parfois trop intrusif aux yeux de Mohammed VI.


Le Roi Mohammed VI avait alors refusé de le recevoir à Rabat en seconde étape d’un périple maghrébin, contraignant le nouveau président français à organiser un voyage officiel spécifique quelques mois plus tard où il sera reçu à Marrakech. « Nicolas Sarkozy, le bouillonnant, l'ultrapressé, s'est finalement plié aux contraintes de calendrier royal », se félicitait alors Maroc Hebdo, proche du pouvoir.


On se rappellera alors de sa mine renfrognée, donnant du plat du pied à son hôte dans une posture jugée discourtoise par les officiels marocains : il avait appris que la vente des avions Rafale au Royaume avait été supplantée par l’offre américaine des F-16. Le même jour, l’affaire Ben Barka était déterrée par le juge Patrick Ramaël qui, profitant de la visite présidentielle, émettait des mandats d’arrêt internationaux visant cinq Marocains, parmi lesquels figuraient deux personnalités de haut rang : les généraux Hosni Benslimane et Abdelkader Kadiri.


A l’époque, Sarkozy ne semblait pas encore convaincu qu’il fallait composer avec « tact » et « d’égal à égal » avec le Maroc, préférant botter en touche pour dire que « la justice française est indépendante ». Si Rabat avait obtenu très vite la nette préférence du chef de l’État français à son égard par rapport à Alger, les déconvenues n’allaient pas cesser net pour autant.


Le projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) figurait alors au fronton de la diplomatie sarkozyste, qui tentait encore de ménager le chou et la chèvre dans les divergences entre Rabat et Alger. « La France n'a pas à imposer une solution, mais la piste ouverte par le Maroc avec le plan d'autonomie peut conduire à un compromis », cédait du bout des lèvres le Quai d’Orsay.


La politique de la France sur la question du Sahara sous la présidence de Nicolas Sarkozy est restée inchangée sur le fond, mais a pris des allures plus pragmatiques, souvent teintées d’un double langage. A Alger, en juillet 2007, Sarkozy a déclaré qu’il ne ferait pas de la question un facteur de conflit entre la France et l’Algérie et que le processus des Nations Unies devait poursuivre son cours. Mais en octobre de la même année, il déclarait sur le sol marocain que la France était du « côté du Maroc » au Conseil de sécurité de l’ONU, souhaitant que le plan d’autonomie de Rabat, qu’il décrit alors comme « sérieux et crédible », puisse servir de base pour la négociation et engendrer une « solution raisonnable ». Sarkozy soutenait alors publiquement la proposition d’autonomie en déclarant : « Le plan d’autonomie marocain existe, il est sur la table et il constitue un élément nouveau de proposition, après des années d’impasse. Je veux prendre mes responsabilités en tant que chef de l’État : le Maroc a proposé un plan d’autonomie sérieux et crédible en tant que base de négociation ».


Nicolas Sarkozy lors d'un de ses déplacements furtifs au Maroc. Le Desk via SCP


Cependant, un fait qui demeure encore méconnu et qui fut révélé en 2014 par la fuite des câbles diplomatiques dans l’affaire « Chris Coleman » démontre que Sarkozy est demeuré ambivalent sur cette question. Voulant convaincre Bouteflika d’appuyer l’UPM, celui-ci a, en coulisses, requis de sa diplomatie de lever le pied sur son soutien au Maroc lors du vote de la résolution du Conseil de sécurité en 2018. Cette année-là, Rabat avait l’occasion d’obtenir une inflexion décisive en faveur de son plan d’autonomie, mais l’appui de la France s’est résumé à une position de neutralité négative affirmant que la proposition marocaine ne constituait pas une « option sine qua non » tout  en faisant référence à un « attachement » de Paris à « l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».  


« L’absence de progrès dans les négociations de Manhasset fragilise la recherche d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, négociée sous l’égide des Nations Unies, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Le Conseil de sécurité (…) a unanimement salué les efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour produire un plan d’autonomie pour le Sahara occidental. Il ne s’agit évidemment pas d’une option sine qua non. Le plan d’autonomie présenté par le Maroc est une base de négociation sérieuse et constructive pour aboutir à une solution négociée entre les parties dans le respect du principe d’autodétermination auquel nous sommes attachés », avait alors déclaré le représentant de la France à l’ONU à l’issue du vote d’un texte adopté qui restera bien en deçà des attentes du Royaume, entrainant le dossier dans une nouvelle et longue phase de stérilité.


Ce n’est qu’en laissant son fauteuil de président à François Hollande que Nicolas Sarkozy fera de multiples déclarations résolument favorables au Maroc, comme celle datant de 2016 : « Vous savez que la position de la France a toujours été de soutenir la marocanité du Sahara occidental. J’ai toujours pensé ça. J’étais moi-même pour la première fois à Laâyoune en 1991. On aurait du mal à me convaincre de la nécessité d’une République sahraouie dans une région du monde minée par le terrorisme »…


Des médias semi-officiels ont annoncé que dans le cadre de la tournée promotionnelle de son livre, Nicolas Sarkozy a prévu une étape marocaine dans les mois à venir.


En France, dans le dossier libyen, l’ex-président de la République devra répondre devant le tribunal correctionnel de Paris de « recel de détournement de fonds publics », de « corruption passive », de « financement illégal de campagne électorale » et d’« association de malfaiteurs ». Son procès devrait avoir lieu entre le 6 janvier et le 10 avril 2025, selon le Parquet financier.

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Le Desk Grand angle